Quelles sont les impacts à long terme de la dépression sur la mémoire court

July 2021


Répondu par: Laurence Messier, Étudiante à la maîtrise en Neurosciences

La dépression est une maladie psychiatrique affectant environ 322 millions d’individus globalement, ce qui la classe comme une des principales causes d’invalidité à l’échelle mondiale1. Bien que l’on associe souvent les troubles dépressifs à des symptômes liés à l’humeur, comme une grande tristesse ou encore une perte d’intérêt générale, la dépression peut aussi causer une panoplie d’autres symptômes dont on parle un peu moins, mais qui sont tout aussi réels2! Par exemple, cette maladie peut affecter la cognition, ce qui regroupe toutes les capacités de notre cerveau qui sont nécessaires afin d’apprendre et de comprendre3. La mémoire étant une de nos facultés cognitives, elle peut donc se retrouver affectée en cas de dépression, une réalité qui est bien documenté3. Effectivement, les troubles de mémoire sont assez communs chez les gens vivant avec la dépression et ceux-ci ont tendance à augmenter selon la sévérité des symptômes dépressifs vécus4. Plusieurs types de mémoires peuvent être affectées, ce explique donc pourquoi les gens vivant avec un trouble dépressif ont entre autres de la difficulté à se rappeler de détails précis ou encore ont tendance à se rappeler mieux d’événement négatifs que positif3.

Mais qu’en est-il plus spécifiquement de la mémoire à court terme? Plusieurs études ont effectivement démontré que la dépression peut affecter la mémoire à court terme, ce type de mémoire qui nous permet de retenir une quantité limitée d’informations durant un court lapse de temps. Par exemple, un groupe de chercheurs ayant publié leur étude en 2013 se sont penché sur la question et ont découvert que plus les participants de l’étude avaient des symptômes dépressif sévères, plus ils avaient de la difficulté à réaliser une tâche servant à évaluer leur capacités de mémoire associative5. Dans cette tâche, les participants se sont fait montrer une série d’images représentant des objets que l’on voit quotidiennement. Par contre, il y un hic : certaines des images pouvaient soit n’apparaitre qu’une fois, soit apparaitre deux fois ou pouvaient être remplacée par une image similaire. Le but des participants consistait donc à se rappeler s’ils avaient déjà vu ou non une image ou s’ils en avaient déjà vu une similaire durant la tâche. Suite à l’analyse des résultats, les chercheurs ont pu observer que les participants dépressifs réussissaient moins bien que les autres participants, indiquant que leur état avait un impact sur leur mémoire.

Mais en quoi la mémoire et la dépression sont-elles reliées? Malheureusement, la science n’a pas encore répondu entièrement à cette question. Par contre, notre cerveau peut nous donner quelques pistes afin de trouver une réponse! Effectivement, plusieurs groupes de recherche ayant étudié le sujet ont découvert que plusieurs parties du cerveau sont altérées physiquement et dans leur fonctionnement dans le contexte de la dépression6. Par exemple, le cortex préfrontal, soit la partie de notre cerveau qui se trouve juste derrière notre front, ne fonctionne pas de la même manière chez les gens vivant avec la dépression en comparaison avec des gens sans maladie psychiatrique6. En effet, cette partie du cerveau, qui est associée à la mémoire à court terme et la mémoire à long terme, démontre une activité réduite chez ces individus. Un autre exemple est celui de l’hippocampe, une toute petite structure qui se trouve dans chaque hémisphère de notre cerveau. Effectivement, celle-ci est atrophiée chez les gens vivant avec la dépression7. Bien que l’on ne sache toujours pas si cette maladie a une influence sur la taille de l’hippocampe ou vice-versa, une chose est certaine : cette structure cérébrale joue un rôle important dans l’apprentissage, mais aussi dans la mémoire6. Effectivement, l’hippocampe permet au cerveau de transformer des souvenirs à court terme afin de les stocker dans notre mémoire à long terme8. Il est à noter que même après la rémission d’un trouble dépressif, l’hippocampe n’a pas tendance à retrouver sa taille antérieure9. Ceci pourrait partiellement expliquer pourquoi les symptômes liés à la mémoire peuvent persister même après que tous autres symptômes dépressifs soient résolus10.

Références

1. Organization, W.H. Depression and other common mental disorders: global health estimates. (World Health Organization, 2017).

2. Otte, C., et al. Major depressive disorder. Nature Reviews Disease Primers 2, 16065 (2016).

3. Rock, P., Roiser, J., Riedel, W. & Blackwell, A. Cognitive impairment in depression: a systematic review and meta-analysis. Psychological medicine 44, 2029-2040 (2014).

4. Schweizer, S., Kievit, R.A., Emery, T., Cam, C.A.N. & Henson, R.N. Symptoms of depression in a large healthy population cohort are related to subjective memory complaints and memory performance in negative contexts. Psychological medicine 48, 104-114 (2018).

5. Shelton, D.J. & Kirwan, C.B. A possible negative influence of depression on the ability to overcome memory interference. Behavioural Brain Research 256, 20-26 (2013).

6. Palazidou, E. The neurobiology of depression. British Medical Bulletin 101, 127-145 (2012).

7. Masi, G. & Brovedani, P. The Hippocampus, Neurotrophic Factors and Depression. CNS Drugs 25, 913-931 (2011).

8. Hartley, T., et al. The hippocampus is required for short-term topographical memory in humans. Hippocampus 17, 34-48 (2007).

9. Santos, M.A.O., Bezerra, L.S., Carvalho, A.R.M.R. & Brainer-Lima, A.M. Global hippocampal atrophy in major depressive disorder: a meta-analysis of magnetic resonance imaging studies. Trends in psychiatry and psychotherapy 40, 369-378 (2018).

10. Semkovska, M., et al. Cognitive function following a major depressive episode: a systematic review and meta-analysis. The Lancet Psychiatry 6, 851-861 (2019).